La deuxième visite croisée, quand l'oasis devient un laboratoire : une réunion de partage des connaissances au Living Lab de Laghouat (Algérie)

Du 19 au 23 février 2025, le Living Lab de Laghouat a accueilli une visite croisée durant laquelle experts locaux et internationaux ont partagé leurs savoirs et expériences face aux défis climatiques et économiques contemporains. Pendant cinq jours, les participants ont exploré ensemble comment conjuguer techniques ancestrales et approches innovantes pour bâtir des systèmes agricoles résilients et durables.

La seconde visite croisée du projet NATAE a rassemblé une vingtaine d'experts venus du Maghreb et d'Europe : agriculteurs du LL de Laghouat et de Tizi Ouzou (Algérie), acteurs des laboratoires de réplication de l'Adrar (Mauritanie) et de Kébili (Tunisie), ainsi que des chercheurs du CREAD, de l’INAT (Tunisie) et de WUR (Pays-Bas).

L'association El Argoub, a organisé un programme structuré autour de trois enjeux majeurs :

  • la gestion de l'eau face à la sécheresse
  • la transformation et valorisation des productions
  • la co-construction des savoirs via les groupements collectifs

Les visites de terrain ont constitué la colonne vertébrale de ces échanges. Au cœur des jardins traditionnels, les participants ont analysé ensemble le système ancestral de "tour d'eau" via les séguias. Les agriculteurs locaux ont partagé leurs techniques de gestion collective de cette ressource rare, suscitant des comparaisons enrichissantes avec les pratiques tunisiennes et mauritaniennes. La visite du barrage souterrain inferoflux de Tadjmout, qui permet à la fois le captage des eaux de crues tout en évitant les pertes par évaporation, a amorcé des débats animés entre hydrogéologues, chercheurs et agriculteurs sur les infrastructures hydrauliques adaptées aux zones arides.

Dans les exploitations agricoles visitées, chaque participant a pu interroger, comparer et documenter les systèmes intégrés polyculture-élevage spécifiques au contexte oasien. Les agriculteurs mauritaniens ont partagé leurs pratiques d'adaptation à des conditions encore plus arides, tandis que les Tunisiens ont présenté leurs innovations en matière d'irrigation économe. Ces échanges directs sur le terrain ont permis d'identifier collectivement les facteurs de résilience des systèmes agricoles face aux bouleversements climatiques.

Les ateliers ont permis de décortiquer méthodiquement les observations de terrain. Un premier atelier dédié à la gestion de l'eau a confronté les techniques traditionnelles aux approches technologiques modernes. Les participants ont cartographié l'ensemble des solutions observées, évaluant leur transférabilité d'un territoire à l'autre.

Un second atelier centré sur les chaînes de valeur a disséqué les processus de transformation observés dans plusieurs unités de production. Les agriculteurs ont présenté leurs techniques de valorisation des sous-produits des dattes, de fabrication fromagère et d'apiculture, déclenchant des échanges techniques détaillés sur les procédés, les équipements, les coûts et les stratégies de commercialisation. Les circuits courts et l'e-commerce ont fait l'objet d'analyses comparatives entre les différentes régions représentées. L'atelier consacré à la co-construction des savoirs a particulièrement marqué les participants. L'association El Argoub a exposé son modèle organisationnel, suscitant une réflexion collective sur les structures coopératives comme leviers d'innovation agricole.

Ces différents échanges et débats ont permis de formaliser les apprentissages, d'identifier les pratiques transférables et apporter des expertises et des savoirs nouveaux. Ces moments d'intelligence collective ont recommandé de maintenir le réseau d'échange et de le pérenniser afin de créer une communauté transfrontalière d'innovation agricole adaptée aux défis climatiques des zones arides.

La dernière journée a été consacré à la découverte de l’Atlas Saharien et du Djebel Amour, révélant l'histoire millénaire de cette région où l'ingéniosité humaine a toujours su s'adapter aux contraintes environnementales. Le Ksar de Taouiala, ses jardins en terrasses et son système d’irrigation ainsi que les stations de gravures rupestres, dont la célèbre "éléphante protégeant son éléphanteau" d'El Ghicha, choisie par l'UNICEF comme symbole de la protection de l'enfance, témoignent de la profondeur temporelle des relations entre l'Homme et son environnement dans cette région.

Cette semaine d'immersion professionnelle a démontré que l'agriculture oasienne, loin d'être une relique du passé, constitue un modèle d'avenir où savoirs traditionnels et innovations techniques s'allient pour façonner des systèmes agricoles résilients et durables.

Mise à jour des activités du Living Lab de Skoura

L'équipe de l'ENAM a récemment accueilli deux étudiants en master de l'Université de Wageningen dans le cadre du projet NATAE. L'un des étudiants, Luigi Lugaresi, a travaillé sur les aspects techniques et l'expérimentation de l'association du fenugrec, une plante aromatique et médicinale, avec les oliviers à Skoura. L'autre étudiante, Fay De Beer, s'est concentrée sur l'étude et la réalisation d'enquêtes auprès d'agriculteurs et d'agricultrices, à l'intérieur et à l'extérieur des coopératives du laboratoire vivant de Skoura. Pour son travail, elle devait organiser un groupe de discussion avec les femmes de la coopérative Safirat Al Aachab. Safa Aatig, qui fait partie de l'équipe de l'ENAM, a donc organisé cette session et a participé en tant qu'animatrice, facilitatrice et traductrice au groupe de discussion. L'objectif était de recueillir les idées des femmes sur leur vision du développement futur de la coopérative et sur les techniques qu'elles jugent nécessaires pour faire de cette vision une réalité.

Le 1er mars 2025 à Skoura M'daz, les membres de la coopérative Safirat Al Aachab ont partagé leur vision de l'avenir dans le cadre d'une discussion de groupe. En 2035, les trois membres participants ont pour objectif de cultiver 100% de leurs matières premières, contre 70% actuellement achetées à l'extérieur. Cela comprend également l'expansion de la culture de plantes médicinales et aromatiques telles que le safran, la lavande et l'origan, qu'ils ont commencée en 2024 et 2025.

Les membres de la coopérative ont souligné leur volonté de maintenir la structure petite et soudée de la coopérative et ne veulent pas admettre de nouveaux membres. Ils envisagent de cultiver environ 10 hectares d'ici 2035 avec des terres en propriété et en location et de se concentrer sur des pratiques durables telles que l'irrigation au goutte-à-goutte. En outre, ils se sont montrés intéressés par l'obtention de la certification ONSSA, qui les aiderait à demander des subventions gouvernementales et à améliorer leurs produits. Cependant, ils continuent de réaffirmer leur engagement à réinvestir tous les bénéfices dans la coopérative et à ne pas en tirer de revenus personnels.